Pli
ta pli tris
Nous
avons mené une grève depuis le 05
février à la Martinique, en collaboration
avec la Guadeloupe, en adhérant positivement à
toutes les revendications du « Collectif
du 05 février » et
« LKP ».
Cette grève est assurément
légitime et nécessaire. Un
évènement incontournable et historique.
Le
profit des grands patrons depuis des années, en
dépit de la misère et de la
souffrance de la population issue, le plus souvent, du milieu ouvrier
ou
agricole devenait intolérable et indécent.
Malgré
les privations et le changement d’habitude
impulsée par la dureté de la grève,
la majorité des gens acceptaient volontairement les
conditions de crise :
rareté du carburant, manque de liquidité du
à la fermeture des banques et des
organismes sociaux, diminution des produits de première
nécessité due à la
fermeture des centres commerciaux, des épiceries. La vie
tournait au ralenti et
l’esprit de débrouillardise, de survie primait,
provoquant néanmoins chez
certains la
violence, l’égocentrisme et
l’égoïsme.
Il fallait apprendre à vivre autrement, à se
passer du superflu, à se contenter
de peu et se retourner vers la production locale et agricole,
vivrière du pays.
Accepter son mal en patience, car le jeu en valait la chandelle. Une
grève si
longue et un peuple entier (sauf les békés et
grands patronats) uni derrière un
Collectif chargé de présenter les revendications
et négocier auprès des
représentants de l’État, du patronat et
diverses associations, jamais dans ce
pays nous n’avions vu cela, jamais.
Le
Collectif
en Martinique et le LKP en Guadeloupe n’ont jamais
concédé un iota au patronat.
Mandaté par le peuple, ils devaient rendre compte au peuple.
Ils ne devaient
pas baisser la garde, car cette grève était
unique et historique. En effet,
dans l’histoire du peuple prolétaire, les grandes
grèves finissaient par les
tueries d’ouvriers, de même, jamais toutes les
classes sociales ne se sont
alliées pour une même cause. La caste
békés et le grand patronat étaient en
marge de ce mouvement, car ces derniers étaient responsables
de cette situation
de misère et de crise.
Par
souci du profit, les prix des salaires misérables
n’augmentaient pas à la
vitesse des prix des marchandises. Le
déséquilibre était flagrant et
injurieux
pour les « prolos ».
Force
est de constater que plus on descend sur l’échelle
de la classe sociale, plus
on est noir et plus on monte, plus on est blanc. Ce n’est pas
faire du racisme
que d’écrire cela, mais la
réalité est bien là. Cette
réalité est historique,
car les riches blancs créoles d’aujourd'hui ont
bénéficié du foncier acquis
malhonnêtement sur la sueur et le sang des esclaves et de
l’industrie coloniale
et esclavagiste. Les nègres étaient sans sou ni
maille.
Le
nègre s’est formé, s’est
formaté. Il s’est adapté. Depuis 1848,
année officielle
de la manumission, il a réussi à
s’élever, à s’instruire,
à être égal à ses
anciens maîtres. Le nègre antillais est
exceptionnel, car il a construit son
histoire rapidement alors que d’autres ont mis des
siècles pour réaliser la
leur. Combien d’ouvriers agricoles sont tombés
sous les balles des gendarmes à
cheval, qui tiraient à balles réelles ?
Ces martyrs sont dans l’oubli. Jadis,
la force oppressive et répressive était de mise
dans ce pays.
Malheureusement,
il y a les nostalgiques du passé colonial qui parlent de la
positivité de
l’esclavage, qui caricaturent le nègre comme un
gros fainéant, paresseux,
indocile, indiscipliné, insubordonné, rebelle,
querelleur, inintelligent, sale,
pauvre.
Un
comble ! Un esclavage positive pour un esclave
négatif.
J’en
ris et j’en
pleure, car malgré tous ces intellectuels poussant le cri de
la négritude, nous
n’avons pas avancé d’un pas. Une partie
de la Martinique de 2009 est encore réactionnaire,
rétrograde.
En
vérité, nous voulons effacer et faire
disparaître à jamais
ces
idéologies
passéistes,
ce
colonialisme larvé,
sournois et feutré qui existe toujours,
ce
cloisonnement
socio-racial qui empoisonne notre pays,
cet
apartheid
dissimulé est bien réel,
ce
pays de
faux-semblant, d’hypocrisie avec des rapports interculturels
où chacun reste
dans son monde ghettoïsé socio-racial,
ces
injustices
sociales.
Cette
grève
permettait de changer la donne en permettant aux plus
démunis de parvenir à un
confort vital. Bien entendu, si les revendications du Collectif
étaient
acceptées par les autres parties et signées.
Les
différents points de réclamations du Collectif,
après négociations débouchent
sur un accord et signature.
Il faut souffrir pour obtenir
gain de cause. La
lutte est âpre devant les grands patrons qui ne
concèdent pas facilement des
points au Collectif. Les avancées avec l’aide de
l’État des deux conseils ont
été significatives. On est arrivé
petit à petit à des accords et des compromis
afin de sortir du confit. Il est à noter que le Collectif
est demeuré ferme et
vigilant lors de la crise. Cependant du côté du
patronat, tout a été mis en
oeuvre pour désavouer ce mouvement prétextant
qu’il y aura dix mille chômeurs
de plus après la grève.
D’après eux, le Collectif a plongé le
pays dans la
ruine, la banqueroute, chute, crise, culbute,
débâcle, déconfiture,
dépôt de
bilan, dépression, effondrement, faillite, fiasco,
insolvabilité, krach,
liquidation, marasme, mévente, naufrage,
récession, stagflation et dans une
plus grande misère forçant certaines entreprises
à licencier. Comme les békés
détiennent quatre-vingt-dix pour cent de
l’économie martiniquaise, rien de plus
facile que de punir comme sur l’habitation
naguère. On affame la population
pour que demain tous les torts et les reproches aillent vers le
Collectif. Les
gros planteurs utilisent la provocation en envoyant les petits
planteurs à Fort-de-France
en face des partisans du Collectif. Les gardes mobiles sont
obligés d’utiliser
les gaz lacrymogènes pour disperser les grévistes
mécontents et la population
en colère. D’où le climat
insurrectionnel et répressif.
Un proverbe connu
dit « Bétyé
pété sé nèg yo
akizé », ce
qui signifie que « le béké
pète et c’est le nègre qui est
coupable »,
d’où la raison du plus fort est toujours la
meilleur...
Méditons sur une
fable de La fontaine
Le Pot de terre et le Pot de
fer
Livre V - Fable 2
Le
pot de fer proposa
Au
pot de terre un voyage.
Celui-ci
s'en excusa,
Disant
qu'il ferait que sage
De
garder le coin du feu,
Car
il lui fallait si peu,
Si
peu, que la moindre chose
De
son débris serait cause :
Il
n'en reviendrait morceau.
"Pour
vous, dit-il, dont la peau
Est
plus dure que la mienne,
Je
ne vois rien qui vous tienne.
-Nous
vous mettrons à couvert,
Repartit
le pot de fer :
Si
quelque matière dure
Vous
menace d'aventure,
Entre
deux je passerai,
Et
du coup vous sauverai."
Cette
offre le persuade.
Pot
de fer son camarade
Se
met droit à ses côtés.
Mes
gens s'en vont à trois pieds,
Clopin-clopant
comme ils peuvent,
L'un
contre l'autre jetés
Au
moindre hoquet qu'ils treuvent.
Le
pot de terre en souffre; il n'eut pas fait cent pas
Que
par son compagnon il fut mis en éclats,
Sans
qu'il eût lieu de se plaindre.
Ne
nous
associons qu'avec que nos égaux ;
Ou
bien il nous
faudra craindre
Le
destin d'un
de ces Pots.
Le licenciement, mis en
chômage technique sera
pratiqué avec sang-froid et rigueur par les gros patrons
après la grève,
simplement pour démontrer que la grève a
ruiné le pays et pour que le Collectif
en porte l’entière
responsabilité. Ainsi,
certains déçus, licenciés diront que
le
Collectif a mené le pays dans un désastre
économique qui pousse les entreprises
à mettre clé sous table. Ceux qui perdront leur
emploi seront plus tentés de
culpabiliser le Collectif, ce qui aura pour conséquence de
plébisciter les
grands patrons. En outre, il est tellement facile de mettre une
entreprise en
faillite et d’en recréer une autre sous un autre
nom et gérant quand on a
l’économie du pays entre les mains. Par
fierté, orgueil, par sentiment de
supériorité ancestral, les blancs colons ne
supportent pas de voir que ceux à
qui ils donnent à manger peuvent oser faire une telle
grève, soutenir le
Collectif et ainsi
montrer aux yeux du
monde leur « profitation »
(mot créole : abus, injustice,
arbitraire, déloyauté, déni de
justice, empiétement, erreur (judiciaire),
exploitation, favoritisme, illégalité,
illégitimité, inconstitutionnalité,
inégalité, iniquité, injustice,
irrégularité, mal-jugé, malveillance,
noirceur,
partialité, passe-droit, privilège,
scélératesse, tort, usurpation).
Un comble !
Les blancs créoles pratiquant la noirceur
(méchanceté).
Souvent devant les
péripéties de la vie, les
petites gens résistent aux malheurs avec flegme et les
puissants sont terrassés
par une ruine soudaine. L’orgueil des grands
comparé à l’humilité des
petits me
fait songer à la fable de La Fontaine :
LE
CHÊNE ET LE ROSEAU
Livre
I, Livre I, 22 22
Le
Chêne un jour dit au roseau :
Vous
avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un
Roitelet pour vous
est un pesant
fardeau.
Le
moindre vent qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant
que mon front, au Caucase pareil,
Non
content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout
vous est aquilon ; tout me semble zéphir.
Encor
si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur
les humides bords des Royaumes du vent.
La
Nature envers vous me semble bien injuste.
Votre
compassion, lui répondit l'Arbuste ,
Part
d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous
redoutables.
Je
plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais
attendons la fin. Comme il disait ces mots,
Du
bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que
le Nord eût porté jusque-là dans ses
flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui
de qui la tête au ciel était voisine,
Et
dont les pieds touchaient à l'empire des morts.
En
guise de conclusion, je dirais que tout
petit que nous sommes (le moucheron) devant le puissant (le lion), nous
pouvons
être vainqueurs, mais soyons vigilants et
mobilisés, car demain un ennemi
(l’araignée)
pourra nous prendre dans ses mailles à
l’improviste. Savourons la fable de La
fontaine :
LE LION ET LE MOUCHERON
Livre II,
fable 9
Va-t-en, chétif
Insecte, excrément de la terre.
C'est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron.
L'autre lui déclara la guerre.
Penses-tu, lui dit-il, que
ton titre de Roi
Me
fasse peur ni me soucie ?
Un Bœuf est plus puissant que toi,
Je le mène à ma fantaisie.
À peine il achevait ces mots
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le Trompette et le Héros.
Dans l'abord il se met au large,
Puis
prend son temps, fond sur le cou
Du Lion, qu'il rend presque fou.
Le Quadrupède
écume, et son œil étincelle ;
Il rugit, on se cache, on
tremble à l'environ ;
Et cette alarme universelle
Est l'ouvrage d'un Moucheron.
Un avorton de Mouche en cent
lieux le harcelle,
Tantôt pique
l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve
à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe,
et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en
la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne
fasse son devoir.
Le malheureux Lion se
déchire lui-même,
Fait résonner sa
queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air qui n'en peut mais,
et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat ; le
voilà sur les dents.
L'Insecte du combat se retire
avec gloire :
Comme il sonna la charge, il
sonne la victoire,
Va partout l'annoncer, et
rencontre en chemin
L'embuscade d'une Araignée :
Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle
chose par là nous peut être enseignée ?
J'en vois deux, dont l'une
est qu'entre nos
ennemis
Les plus à
craindre sont souvent les plus petits ;
L'autre, qu'aux grands
périls tel a pu se
soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.
Au
lendemain de cette grève, les pauvres nègres
déchanteront certainement par
rapport aux licenciements annoncés par le patronat. Dix
milles selon les
pronostics de ces patrons rancuniers, arrogants et orgueilleux.
Préparons-nous
pour la « Chronique d’une
vengeance anticipée ».
Plus
tard, Plus triste...
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